Emmitouflées dans leurs manteaux par une matinée de janvier, une cinquantaine de personnes attendent sur les bancs de l’église le début des auditions du marché, le concert d’orgue mensuel de Notre-Dame-du-Mont. François Xavier Roux, le musicien du jour, est arrivé depuis un petit moment déjà. Il a pris l’escalier étroit en colimaçon qui mène au balcon face à l’hôtel. C’est là que s’étendent les longs tuyaux argentés de l’orgue de l’église. Sur le clavier, le musicien s’échauffe. Une fois prêt, il s’avance au balcon pour présenter son programme, quatre morceaux sur le thème de Noël. Après un bref silence, le son profond de l’instrument emplit les murs de l’église. Certains spectateurs tapent légèrement du pied au rythme de la musique. Pendant le concert, des regards se perdent vers l’autel, d’autres s’élèvent vers les plafonds. Comme celui d’Astrid, paroissienne à Saint-Vincent-de-Paul. “Je suis venue parce que je connais le musicien, et que je vis dans le secteur. Pendant le concert j’ai remarqué en regardant les plafonds que l’église était magnifique”, note la trentenaire. Dans la salle on trouve aussi  beaucoup de retraités, comme Denise et Michelle “C’est agréable, ça ne dure pas trop longtemps et puis on découvre de nouveaux morceaux. On vient régulièrement pour l’ambiance et pour se retrouver entre amis, avec le temps on en a fait des adeptes”, explique la première. 

Le premier orgue romantique de Marseille 

Ces rendez-vous, qui ont lieu tous les deuxièmes mardis du mois, ont été instaurés en 2010 par un groupe d’amoureux de l’instrument à vent. Patrick Gell, professeur agrégé d’éducation musicale à la retraite, en fait partie. Il a 17 ans la première fois qu’il frôle le clavier du géant. “Je chantais dans une chorale et un jour on m’a demandé d’accompagner le groupe en jouant de l’orgue. À l’époque, je venais travailler sur le grand orgue de Notre-Dame du Mont”, se souvient le musicien devenu expert de l’histoire surprenante de ce monument liturgique. “En 1839, Frédéric Chopin est venu jouer dans l’église, il a trouvé l’orgue installé à l’époque minable. Après cet événement, le curé a décidé de remplacer l’instrument”. C’est ainsi qu’en 1847, l’orgue actuel est installé dans l’église. “C’était important, le premier orgue romantique de Marseille, les autres paroisses ont été un peu jalouses”, poursuit le passionné. 

Partager le patrimoine 

Mais le géant n’est pas épargné par les ravages du temps et moins d’un siècle après son installation, l’orgue n’est que l’ombre de lui-même : “Il ne parlait plus, rien ne marchait”, déplore Patrick Gell. Pour le sauver, il crée en 1984 l’association des amis de l’orgue de Notre-Dame du mont. L’instrument est classé monument historique l’année suivante. Il faudra en revanche attendre 25 ans pour réunir les fonds nécessaires et achever sa rénovation. Les auditions du marché sont lancées après l’inauguration, en 2010. Chaque rendez-vous rassemble aujourd’hui jusqu’à 70 personnes, indique Patrick Gell. “Ce sont surtout des gens du quartier, pas forcément des paroissiens. Il y a un attrait pour l’orgue et pour la beauté de l’église. dès qu’on rencontre quelqu’un qui peut jouer on lui propose de participer. On a reçu des musiciens de Caen ou de Dijon”, se réjouit le musicien qui espère partager à travers ces rendez-vous le patrimoine retrouvé. Et l’orgue continue de l’inspirer, il s’imagine lancer un festival et rassembler des pointures derrière le clavier. En attendant, il retrouvera son vieil ami à vent pour la prochaine audition du marché le mardi 13 mai de 12h30 à 13h.
Meriem Bioud